Leo Fender débuta par la création d’un magasin spécialisé dans le dépannage de postes de radio et ensuite création et montage d’éléments de composants pour petits amplificateurs de faible puissance avant de se lancer dans la guitare proprement dite. Il sut s’entourer de professionnels avertis pour progresser rapidement.
Naissance de la Broadcaster/Telecaster
Tout commença par « accident » ; pour essayer des micros électromagnétiques qu’ils créaient pour des guitares acoustiques, Leo Fender et son partenaire Doc Kaufmann fabriquèrent une guitare ayant pour corps un morceau de bois plein. Séduits par ce son brillant et ce sustain, de nombreux musiciens commencèrent à leur emprunter leur prototype pour leurs concerts. Leo et Doc commencèrent alors à fabriquer quelques instruments à la main, des prototypes principalement.
Ils n’étaient pas les seuls à travailler sur des guitares électriques « solid body ». La firme Rickenbacker avait déjà conçu une « lap-steel » dotée d’un micro électromagnétique, la fameuse Frying Pan (« poêle à frire »), en 1931. D’autres cherchaient aussi à concevoir des guitares électrifiées moins sensibles à l’effet Larsen, comme Lloyd Loar (en) chez Gibson dans les années 1920 et un certain Lester Polfuss, dit «les pauls», qui conçut en 1937 un prototype comprenant un manche conducteur faisant office de poutre centrale, ce qui donna son nom au prototype ; « The Log » (« La Bûche »).
La première guitare produite par Fender « en série » (moins de 50 exemplaires) fut l’Esquire, qui possédait un seul micro, une caisse de forme simple en frêne, un manche en érable, sans touche rapportée, et des mécaniques de type Kluson. Anecdote ; la plupart de ces exemplaires ont dû être échangés en garantie, car ils souffraient d’un défaut majeur dans la lutherie, le manche se vrillant sous l’effet du tirant des cordes. Leo Fender et son équipe parvinrent à résoudre le problème en insérant une barre métallique – le « truss rod » (en français « barre de réglage ») – dans le manche, ce qui le renforce, et permet, en l’ajustant au moyen d’un système de serrage, de jouer sur sa courbure.
Plus tard, au cours de l’année 1950, on passa à deux micros, et on baptisa ce modèle Broadcaster. Hélas, ce nom était déjà déposé par la marque Gretsch pour une ligne de batteries. Fender, qui face à Gretsch était à l’époque une petite entreprise, s’inclina et changea le nom de Broadcaster pour Télecaster (en référence au nouveau medium montant, la télévision). Entre l’abandon du nom Broadcaster et l’arrivée des nouvelles décalcomanies Télecaster, certaines guitares sortirent sans nom de modèle ; aujourd’hui appelées Nocaster, elles sont très recherchées.
La Stratocaster, naissance d’une guitare mythique
Réalisée selon les croquis de Freddie Tavares en 1953, la Stratocaster apparaît en 1954 avec sa forme originale, sa petite tête, son manche en érable et le premier logo Fender. Elle est équipée de trois micros simple bobinage (ou de deux micros simple, et un double ; ce modèle étant nommé « Fat Strat »).
La Stratocaster est née des suggestions et retours d’informations des premiers utilisateurs des Telecaster. Elle se devait d’être un modèle innovant par sa forme ergonomique et son électronique, et une réponse à la mythique Gibson Les Paul apparue en 1952. Elle eut un grand succès. Quelques autres améliorations lui furent apportées par la suite, comme le système de chevalet flottant soutenu par cinq ressorts puis de nouvelles mécaniques Safety Slot Kluson.
La Stratocaster adoptait aussi toutes les innovations de la Telecaster comme le potentiomètre de volume et, désormais, deux potentiomètres pour la tonalité. Le sélecteur de micros était aussi présent et offrait trois positions jusqu’en 1977 lorsque CBS le remplaça par un nouveau sélecteur à 5 positions permettant davantage de possibilités sonores. La touche en érable présente sur tous les modèles à partir de 1954 s’accompagna de l’option touche en palissandre dès 1959.
Durant les années 1950, la Stratocaster connut la célébrité grâce aux différents artistes qui l’utilisaient ; Bill Carson, Dick Dale, Buddy Holly, Pee Wee Crayton, Otis Rush). Par la suite, vers 1956, de nouveaux coloris firent leur apparition.
La première Stratocaster importée en Europe fut en 1958 celle de Hank Marvin, soliste du groupe britannique The Shadows, offerte par Cliff Richard, le chanteur qu’ils accompagnaient. Elle était d’un rouge corail appelé « fiesta red » (voir le 1er album du groupe). Cette relique appartient aujourd’hui à Bruce Welch le guitariste rythmique. C’est par hasard que, testant l’instrument, Marvin découvrit le son « Shadows ». À partir de ce moment là le succès de l’instrument fut énorme. Entre 1960 et 1965, pratiquement tous les groupes instrumentaux européens, à commencer par les Spotnicks, eurent recours au son spécifique de la Stratocaster. Mais elle tomba en défaveur au milieu de la décennie, les nouveaux groupes anglais placés dans le sillage des Beatles et des Rolling Stones préférant le son plus gras et coloré des semi-acoustiques type Epiphone, Harmony, Gibson ou Gretsch.
C’est pourtant à cette époque que George Harrison commença à s’intéresser à cet instrument, bientôt suivi d’une pléiade de musiciens britanniques. À la fin des années 1960, plusieurs guitaristes de premier plan remirent la Stratocaster au goût du jour, en particulier David Gilmour de Pink Floyd, Jimi Hendrix, Ritchie Blackmore de Deep Purple puis, à partir de 1970, Eric Clapton. La « Strat » était vue partout et n’a plus cessée depuis lors d’être la guitare électrique la plus populaire, la plus copiée et la plus plagiée.
Vente à CBS
Après que son médecin personnel lui a diagnostiqué un cancer, Leo Fender décide de vendre la société dont il est le principal actionnaire. En 1965, la société Fender est achetée par le géant de la radiotélévisionCBS. À sa demande, Leo Fender reste dans la firme comme consultant et occupera ce poste jusqu’en 1975. Puis il change de médecin, qui ne constate rien d’alarmant dans l’état actuel de sa santé et le guérit très vite.
Au début des années 1970, CBS prend la décision de commencer la production de masse, à la chaîne, des guitares Fender, en baissant également la qualité des matériaux utilisés pour réduire les coûts de production. Leo Fender s’y oppose vigoureusement. Il veut continuer à faire des guitares qui restent « la référence ».
Côté amplification, les principaux modèles d’amplis pour guitare et basse (Twin Reverb, Bassman, Super Reverb et autres) qui possédaient un panneau de réglage noir avec un lettrage blanc brillant (blackface) et le circuit AB763 depuis 1964, changeront d’aspect vers la fin de 1967 avec une façade de contrôle chromée en aluminium (Silverface) ayant un lettrage au coloris bleu clair (excepté le Bronco, dont le lettrage est rouge) et le circuit AC568.. À partir du milieu des années 1970, certains modèles furent équipés d’un réglage de volume général (« master volume ») avec un circuit de présence intégré (« pull-boost circuit »), avec des puissances maximales variant entre 100 et 135 watts selon le modèle en question. Leur production cessa à partir de 1982.
Leo Fender décide de quitter CBS avec les meilleurs de ses anciens artisans pour créer les guitares « Music Man » (marque qui sera rachetée par Ernie Ball vers 1983). CBS obtient en justice que Leo Fender ne puisse plus utiliser son nom, ni les noms de Stratocaster et de Telecaster pour continuer et vendre ses propres guitares.
Fender voulait que la qualité de ses guitares « dépasse tout ce qu’il avait fait précédemment » pour répondre en quelque sorte à CBS qui produisait sous le nom de Fender des guitares dont la qualité avait dramatiquement baissé du fait de cette production mécanique et des matériaux de qualité insuffisante pour lui. Il voulait que ses nouvelles créations fussent une continuité, un aboutissement de la Stratocaster en corrigeant certaines faiblesses et en y ajoutant de nouvelles innovations. Son vœu fut tel que CBS décida de vendre Fender à un groupe d’investisseurs sous la direction de Bill C. Schultz (1926-2006) vers la fin de 1985. Celui-ci entreprit aussitôt une restructuration de la compagnie, qui prit le nom officiel de Fender Musical Instruments Corporation (FMIC) en 1986.
C’est donc sous la marque Music Man que Leo Fender créera alors les StingRay 1 et 2 puis les Sabre 1 et 2, des guitares révolutionnaires et dotées des dernières innovations. La qualité était au summum et Fender ne regarda pas au prix pour les matériaux et l’électronique. Curieusement pour une production de Leo Fender, ces guitares possédaient deux micros de type « humbucker ». On retrouvait donc, logiquement, un son proche des Gibson mais également, grâce à de nombreuses possibilités de réglage, celui des Telecaster et Stratocaster.
À la sortie de la StingRay, les avis furent unanimes pour reconnaître que le son était phénoménal. Le modèle Sabre, qui suivit, bénéficiait également d’un niveau de sortie très élevé, et d’un son très facilement modifiable, grâce à une électronique embarquée. Mais le marché de la guitare électrique reposait sur des modèles phares, très difficile à concurrencer, quelle que soit la qualité des nouvelles réalisations. Les nouvelles guitares de Léo Fender souffraient d’un terrible manque d’image. Elles n’avaient pas l’aura de ses anciennes productions. Dans l’impossibilité contractuelle d’utiliser le nom de Fender pour ses nouvelles guitares, sans politique publicitaire bien définie et, surtout, sans l’image qu’aurait pu lui amener l’utilisation sur scène d’un guitar hero, ces nouvelles guitares se vendirent mal malgré leur excellence et un prix légèrement inférieur à celui de la Stratocaster.
Pour la StingRay, seulement 8 000 exemplaires furent construits et vendus. Cela en fait une guitare rare de collection, la Sabre qui suivit, plus ergonomique, au corps proche du dessin de la Stratocaster, mais sans vibrato, ne put augmenter le chiffre des ventes. Mais ce sont les guitares basses qui feront la renommée de Music Man, avec les modèles StingRay, Sabre et Cutlass, comprenant un égaliseur actif avec deux ou trois bandes ; ces basses seront rejointes plus tard par des nouveaux modèles tels que la StingRay 5 cordes, la Sterling Bass (du nom du fils d’Ernie Ball, Sterling) et la Bongo, popularisée par le bassiste du groupe de métal progressif Dream Theater, John Myung.
Leo Fender revendit le nom et la marque à Ernie Ball tandis qu’il s’associait à son vieil ami et complice George Fullerton pour créer la marque G&L qu’il continuera jusqu’à sa mort en mars 1991.
Source : Wikipedia